La mort fait partie de la vie ( à la ferme et ailleurs ).

Je voulais aborder le sujet de la mort en général et plus précisément de la mort dans l'élevage car ma dernière chèvre qui avait atteint l'âge honorable vient de mourir. Dans nos sociétés modernes et occidentales, je crois que nous avons perdu notre rapport, notre connaissance à cette étape qu'est la fin de vie. Dans cet article je voulais vous parler de mon point de vue, de mes sentiments face à ce passage d'un état à un autre. 

 

La mort fait partie intégrante de la vie et de l'élevage en particulier car on travaille avec des animaux, du vivant Nous sommes donc confronté à cet état. C'est un sujet un petit peu délicat, mais je pense que quand on travaille avec des animaux, quand on est responsable d'un troupeau on ne peut pas passer à côté. Il est plus utile de faire face et de comprendre le pourquoi plutôt que d'imaginer une réalité fausse.

 

La mort pour la viande.

 

Il y a plusieurs façons d'être confronté à la mort dans un élevage. La première c'est d'être confronté à la mort dans un but alimentaire, pour la production de viande sur notre ferme. C'est un sujet qui me touche particulièrement parce qu'à côté de la laine, j'ai un atelier de production d'agneau d'herbe. C'est une partie importante de mon revenu, c'est ce qui me fait vivre. Et c'est aussi grâce à cette production que j'ai pu me lancer dans la laine.

Pour moi une ferme c'est un ensemble complet et complexe. J'ai toujours imaginé un système paysan agricole avec de l'élevage et de la polyculture. On parle de la production de viande mais c'est aussi vrai pour la production de lait car pour avoir du lait, les mammifères ( vache chèvre brebis ânesse... ) doivent avoir un petit. Se pose alors la question du devenir du nouveau-né.

Les gens me posent souvent la question si cela ne me fait pas mal au cœur d'envoyer mes agneaux à l'abattoir ? La réponse est non. Et de plus je "n'envoie" pas mes animaux à l'abattoir, je préfère les emmener jusqu'au bout de leur vie moi-même. Ce n'est pas la partie la plus plaisante c'est vrai, mais cela fait partie de l'ensemble. Je suis fière d'élever des animaux, de les respecter, de les soigner, les nourrir, les observer TOUT les jours. Et ce dans le but de créer un monde plus relié à ce qui nous nourris, nous fait vivre, le plus simplement et localement possible. J'aimerais beaucoup que les abattoirs mobiles se développent et que l'animal ne quitte jamais son environnement.

J'ai toujours été assez consciente de ce fait là et je ne sais pas vraiment d'où ça vient. Pour moi c'est une évolution dans le temps normale. Je sais comment j'ai élevé mes animaux, la vie qu'ils ont eux. J'essaie que mes animaux la vive le plus sereinement possible, sans stress, avec une alimentation de bonne qualité et des soins appropriés. La mort n'a jamais été un sujet sensible dans ma tête parce que j'ai toujours été plutôt réaliste qu’idéaliste. Je n'ai jamais cru que la vie "naturelle", "sauvage" était calme, douce et tendre. Croire cela est une méconnaissance de ce qui se passe réellement dans la nature que l'on appelle sauvage. 

La mort pour une production ( biologique ) alimentaire est une nécessité pour moi, c'est une mort que l'on choisis, que l'on programme et c'est pour moi celle qui est la plus facile à vivre. Je conçois que ce soit une idée choquante pour certain, mais je vois la domestication comme une relation à intérêt réciproque.

 

La mort de vieillesse.

 

Dans l'élevage, il y a d'autres raisons pour lesquelles nous sommes confrontés à la mort et qui sont imprévues. L'un des facteurs qui provoque et qui amène la mort, c'est évidemment la vieillesse. En élevage, on ne connais pas trop cette mort nous devons vivre de notre production et donc veiller au renouvellement du cheptel. Mais il y a quand même des animaux qu'on garde par affection et qui s'en vont de leur "belle mort". Je peux en parler car je le vis aujourd'hui. J'ai des chèvres qui sont mes "Mamies"! Malgré que ce soit des bêtes de rente, on développe quand même une relation, une affection, des sentiments envers ces animaux que l'on côtoie quotidiennement.

La mort de vieillesse est un petit peu idéalisé dans nos sociétés. Je crois, pour les animaux que j'ai élevé et qui sont morts de vieillesse que ce n'est pas une si belle mort que ça. Les animaux domestiques que j'ai côtoyé ( vaches, chèvres, moutons, cochons, poules... ) sont des animaux grégaire. Lorsque une bête vieillit, elle a du mal à manger mais aussi à se déplacer. Il est difficile d'avoir une bête comme ça dans un troupeau car elle est mise à l'écart de la vie normale du troupeau et c'est un facteur de stress pour l'individu. Et la mort viens longtemps après la vieillesse. Croyez moi. Je crois qu'on idéalise cette mort mais ce n'est pas la plus belle mort que je souhaite pour un animal d'élevage sauf si elle intervient vite. De plus cela demande beaucoup, beaucoup de temps de prendre soin de ces animaux et ce n'est pas du tout rentable. Pour moi, le temps est ma plus grande et ma plus rare richesse! Je n'ai tout simplement pas les moyens de garder ce genre d'animaux. Quelques uns représentent déjà une charge de travail énorme mais ne nourrissent pas ma famille. Cette situation nous ramène à notre propre relation avec nos anciens, et à leur place dans nos sociétés. 

 

La mort par accident.

 

Une autre confrontation à la mort vient parfois d'accidents. Cela peut arriver qu'un animal se casse une patte, une corne, rencontre des chiens errants ... Nous avons alors recours à l'euthanasie. Ce sont des cas un petit peu particulier. L'éleveur est généralement aidé et conseillé par un vétérinaire. Cependant la décision lui revient , et cela peut devenir des cas de conscience délicat. Cela peut être aussi dû à une maladie qui dure et là, la décision est d'autant plus difficile. Mais il est difficile de garder des animaux non valides ( comme les animaux vieillissants ). Cette mort est difficile à accepter car elle est brutale, n'a pas de but et ne s'inscrit pas dans un cycle de vie préserver des aléas de la vie. Mais je crois que cela fait partie des choses à gérer même si elles sont délicates et parfois démoralisantes.

 

La mort par prédation.

 

Nous devons aussi faire face à des prédateurs. Dans ma région, c'est plutôt rare sur les petits ruminants et les gros ruminants, mais avec le retour du loup, je pense qu'il faut se poser la question dès aujourd'hui et se préparer à cohabiter. 

En revanche, pour tout ce qui est volaille, dans notre ferme on a eu des soucis de prédation sur nos poules et nos oies. Je crois que dans la même idée d'un ensemble complet et complexe, j'accepte cette prédation ( jusqu'à un certain niveau ! ) parce que je pense que c'est notre dû à la nature qui nous fait vivre, nous nourrit. Mais c'est parfois difficile de constituer un petit troupeau de poules, de s'habituer à les voir à la maison et un matin, d'entrer dans le poulailler de voir un spectacle de mort. 

 

La mort : une composante de la vie.

 

Je pense que la mort fait partie intégrante de la vie et la connaître, la voir souvent permet de mieux l'appréhender et de ne pas la craindre. C'est difficile d'écrire un article sur ce sujet, parce qu'il serait plus facile pour moi de dire "vous allez vous habituez", "ça fait partie de la vie" mais on ressent quand même une peine à perdre des animaux qui sont là avec nous. Je n'essaie pas de dire que c'est facile mais juste que ça fait partie de la vie.

La première fois que j'ai dû euthanasier un animal, j'ai pleuré, beaucoup pleuré. Aujourd'hui je ne pleure plus mais mon cœur se serre. Je ne pense pas que ça veut dire que je deviens insensible, mais juste que j'ai compris que c'était la fin d'un cycle. Lorsqu'un agneau né et qu'il ne survit pas je lui dis toujours "tu reviendras l'an prochain avec de meilleures chances". Je ne suis pas sûr que ça change grand-chose mais j'ai toujours cru qu'il y avait une vie autre que matérielle et physique. L'intention et l'énergie que je mets dans cette phrase m'apaise. 

 

Quel votre rapport à la mort des animaux d'élevage? Que pensez-vous de cette étape de la vie que nous ne voulons plus voir? N'hésitez à me faire part de vos sentiments, remarques. Ce sujet de notre relation au monde animal me passionne ( comme l'élevage ) et m'interroge en même temps.

 

Je n'ai pas compté, mais avez-vous remarqué le nombre de fois où le mot "vie" est écrit dans cet article sur la mort? Elles sont intimement liées... A méditer.

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Commentaires: 3
  • #1

    Litha (samedi, 19 février 2022 21:33)

    Pour ma part, j'ai été longtemps végétarienne. Lorsque je me suis lancée dans le homestead j'ai organisé ma vie comme une survie. La viande , les œufs et le lait faisaient partie de ma nouvelle chaîne alimentaire. J'ai l'habitude de dire que la nature nous donne beaucoup mais elle reprend aussi beaucoup ! Mes experiences agricole me l'ont prouvé. Cela m'a beaucoup forgé sur le rapport que j'avais avec mes bêtes et le cycle de la vie !

  • #2

    Eln (lundi, 06 mars 2023 21:30)

    Bjr. Merci pour votre article, c est un beau témoignage.
    J ai comme beaucoup fortement réduit ma consommation de viande et ne mange quasi plus de viande de mammifères pour des raisons notamment éthique. En effet, la nature sauvage n'est pas tendre, chacun se sert comme il peut, consomme et produit. Cela dit, nous humains, et certains animaux sans doute sommes capables de compassion et donc la question du choix se pose toujours... j'ai personnellement un réel problème avec la consommation de jeunes bêtes retirées à leur mère, car je pense que la maternité est essentielle pour le bien être des mammifères grégaires. Aussi il fut une époque, je crois, où les animaux de ferme se reproduisaient en semi liberté, leur rôle était surtout de nettoyer et de fertiliser les terres, donner de la laine, protegés par un chien, rentrant les plus petit de nuit pour les protéger des prédateurs...on mangeait en général ceux d age bien mur bien gras, mais ils avaient eu une vraie vie avant...pas de jeunes bêtes en pleine force de l âge gavées pour grossir vite...les anciens en vivaient plutôt bien, même si le travail était dur car se faisait à la force des bras...les veaux mâles devenaient des boeufs de travail aussi, ils avaient un rôle...je pense que la source des mouvements végé est là, ce n est pas la mort le problème, c'est de l'accélérer au lieu de laisser faire, juste veiller le troupeau...beaucoup de "consommateurs" seraient plus à l'aise si on laissait la vieillesse s installer un peu, sans attendre l agonie non plus...pourquoi les animaux ne pourraient plus être juste des employés de la terre, des partenaires, protégés et libres de leur cycle de vie, de choisir leur partenaire, au lieu de produire de la viande et du lait en exploitant des bêtes prédestinées...de la viande il y en aurait toujours, puisqu'ils vieillissent plus vites que nous. Serait-ce possible?

  • #3

    Lisa (dimanche, 13 août 2023 20:23)

    J'aime beaucoup la manière dont vous ressentez et décrivez la mort de vos animaux. J'ai partagé votre publication avec mon fils qui est berger car je vois chez lui la même façon de vivre cela, la même progression de sa pensée. Bonne continuation.



Ma vie paysanne et créative

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